FRAIS JURIDIQUES
[43] Les frais juridiques accordés doivent avoir un caractère raisonnable après une audience à huis clos, sans le procureur général, je dois tenir compte du barème d'aide juridique en vigueur.
[44] Me Julius Grey a été reçu au barreau en 1974 alors que Me Geneviève Coutlée en 2002, Me Claude Haccoun a été reçu en 1973 et Me Benoit Lauzon en 1994. Les procureurs des intimés ont produit un compte d'honoraires en tenant compte de la difficulté, des frais et déboursés, de la préparation, des discussions et correspondances, de la jurisprudence, de l'expérience des procureurs, j'estime qu'une somme de 30,000.00$ est raisonnable en l'espèce, soit 25,000.00$ pour Me Julius Grey et 5,000.00$ pour Me Geneviève Coutlée, cette somme englobe les taxes fédérales et provinciales et sur laquelle ils devront évidemment payer leurs impôts.
REQUÊTE EN CONFISCATION DES BIENS SAISIS
PREUVE DE L'EXPERT
[45] Monsieur Pierre Fortier, comptable agréé, déclaré expert de consentement, a témoigné à l'aide d'un document fort volumineux produit sous la pièce S-4, il a démontré le caractère très lucratif du commerce d'escorte appelé "Heart Breaker" et ce, sur plus de 10 ans.
[46] Le comptable a pu retracer une foule de dépôts d'argent et de cartes de crédit et ce, dans plusieurs comptes de banque, mentionnés audit document. Par une simple règle de trois il évalue à plusieurs millions les profits et soupçonne que d'autres sommes (qui seraient selon lui plus importantes encore) ne peuvent être retracées.
[47] A partir d'un tableau, il image les revenus disponibles et fait une supposition du manque à gagner.
[48] Pourtant la preuve révèle que la façon de procéder était la suivante: 150.00$ l'heure en argent était facturée dont 80.00$ était remis à l'escorte, 20.00$ au chauffeur et 50.00$ à l'agence. C'est donc dans cette proportion, soit le tiers des bénéfices que l'accusé retirait à titre d'agence.
[49] Pour ce qui est des cartes de crédit, le coût était de 200.00$ et le tout était remis à l'agence qui n'avait d'autre choix que de le déposer et se chargeait de remettre en argent le 20.00$ au chauffeur et le 80.00$ à l'escorte. Sur une somme de 200.00$ l'agence en gardait 100.00$. Cette façon de faire gonfle les sommes déposées dans les comptes.
[50] Bien que la capacité professionnelle de l'expert Pierre Fortier ne soit pas mise en cause, il n'a pas, en l'espèce, aidé le tribunal comme un expert se doit de le faire. Monsieur le juge Crête dans l'affaire Fortin c. Compagnie d'assurances Wellington disait ceci:
"Le rôle d'un expert, même payé par l'une des deux parties, est d'aider le tribunal à mieux comprendre le caractère technique d'un problème et non pas de défendre, coûte que coûte, la thèse de celui qui retient ses services. L'expert doit garder le détachement et l'objectivité qui, en dernière analyse, rendra sa position défendable, crédible et convaincante."
et plus loin:
L'expert doit faire preuve d'objectivité et de désintéressement. L'expert doit être impartial, son rôle est d'éclairer le tribunal et non d'être l'avocat d'une partie. Un expert éclaire le tribunal sur ses constatations… Il ne peut pas feindre d'ignorer ou de taire des faits pertinents au débat, sous prétexte que cela pourrait "fausser son jugement" ou l'amener à une conclusion qui risquerait d'être défavorable à la partie qui a retenu ses services…. "([12])
[51] Il est clair que les sommes déposées sont le fruit du commerce lucratif d'agence d'escorte. A tous les mois ou presque, l'argent est ressorti du compte par chèque vers Cristal Star Connexion, Joseph Toth et un dénommé Alain Gauthier.
[52] On peut donc raisonnablement penser qu'à tout le moins, les sommes qui se retrouvent dans Cristal Star Creation ne doivent pas être additionnées au profit de l'accusé et ne doivent pas être comptées en double.
"… the trial judge erred in taking into account the gross revenue generated by the appellant's operation…"([13])
[53] Il ne faut pas confondre l'évasion fiscale qui ressort de la preuve comptable et la preuve des biens qui ont été obtenus et qui sont encore à ce jour dans le patrimoine des accusés.
[54] La preuve révèle que les accusés ont vécu durant plus de 10 ans des fruits de la prostitution et ce de façon ostentatoire et richement. Il va sans dire (mais ça va mieux en le disant) qu'ils ont dépensé beaucoup car le crime était très lucratif. Ces argents dépensés ne sont plus dans le patrimoine des accusés; faire la preuve qu'ils ont beaucoup dépensé aide à inférer que le commerce était payant. Ce n'est pas la preuve qu'ils ont encore ces argents et/ou ces biens acquis avec l'argent du crime.
[55] La preuve révèle qu'il a payé 100,810.00$ de pension alimentaire et qu'à part les mises de fond accumulées avant la période cible sur la résidence, il a fait des rénovations et fait installer une piscine. De 1992 à 1999, la somme de 85,497.00$ a servi pour la location de voitures de marque Lincoln, Navigator, Explorer et seulement pour l'année 2000, 25,029.00$ a été dépensé en location d'autos. 97,070.00$ a servi à l'achat d'un bateau de 30 pieds de marque Doral, modèle 1993 et 12,586.00$ U.S. pour la location d'un condo à St-Marteen. Du mois d'août 1998 au mois de juillet 1999, un montant de 38,615.00$ a été dépensé en publicité diverse et de 1992 à 1999, on retrouve une moyenne de publicité annuelle de 48,695.00$. De janvier 1993 à décembre 2000, 401,944.00$ a été payé à Bell Canada ainsi qu'à la compagnie Cantel. Que leur reste-t-il?
[56] La preuve est plutôt faible de ce côté puisqu'on n'a pas voulu faire la liste de ce que l'on a effectivement bloqué dans des comptes multiples contrôlés par les accusés.
[57] La poursuite s'est contentée de fournir un projet d'ordonnance de confiscation en vertu des paragraphes 462.37.
[58] Le Tribunal n'a pas de difficulté à confisquer les comptes de banque où la preuve révèle que ces comptes n'ont existé que pour déposer des argents du commerce illégal, et ce, peu importe le contenu.
[59] A travers la masse de chiffres, ce qu'il faut retenir c'est que les dépenses ont excédé les revenus déclarés.
[60] Cette notion de revenus disponibles ne nous apprend rien d'utile pour les fins de notre propos.
[61] Il faut dire que le travail colossal qu'a effectué l'expert est le résultat du mandat que lui avait confié l'enquêteur au dossier, c'est-à-dire, la découverte des éléments de preuve pour amener les accusés à leur culpabilité.
[62] Cependant des projections sur des hypothèses de revenu d'entreprise et des extrapolations permettant de conclure que (les revenus totaux générés par les activités de Joseph Toth atteindraient la somme de) 4,199,850.000$ ne sont pas de grande utilité. Ce genre de projection a l'inconvénient d'une part d'empêcher les accusés d'y répondre et d'autre part a l'avantage pour la poursuite d'éviter d'en faire la preuve.
[63] La poursuite ne veut pas ventiler ni même faire des représentations sur chacun des biens.
[64] Il y a eu selon les dossiers de la Cour, le 17 janvier 2001, cinq lots d'objets saisis totalisant 1025 objets.
[65] Il y a eu ordonnance de blocage, le 16 février 2001, concernant un immeuble, des fonds mutuels, des placements enregistrés, des comptes bancaires, des polices d'assurance-vie et une série de meubles meublants.
[66] Ces biens pour certains immeubles et meubles sont bien décrits; quant aux comptes de banque, la preuve ne révèle pas le contenu.
[67] Je suis satisfait que tous les mis-en-cause ont été signifiés, ont eu l'occasion de se manifester et aucun ne l'a fait devant le tribunal.