--------------------------------------------------------------------------------
Luc Blanchot
Source : Les politiques publiques face à la prostitution
Rapport de la délégation aux droits des femmes du Sénat, sous la Présidence de Dynah Derycke, 2000.
La Délégation du Sénat aux Droits des femmes et à l`égalité des chances entre les hommes et les femmes propose différentes réflexions sur la prostitution et adopte des positions claires.
http://www.senat.fr/rap/r00-209/r00-2091.pdf
Du fait de son opacité, la prostitution est un monde difficile à cerner. Combien de personnes sont concernées en France ? Quelles sont les sommes d`argent qui y circulent ?… Tout au plus, peut-on avancer quelques estimations.
On compterait en France près de 15 000 personnes prostituées. Bien que les chiffres du commerce du sexe soient difficiles à avancer, plusieurs données permettent de mieux appréhender l`ampleur de ce phénomène.
La prostitution en chiffres
Un rapport du Sénat a permis de dresser un panorama de la prostitution en France. Bien que datant de 2000, ces chiffres sont actuellement les seules données officiellement disponibles.
Pour l`année 1999, environ 5 000 personnes prostituées ont été contrôlées, dont 600 à 700 hommes (principalement des travestis). L`Office central pour la répression de la traite des êtres humains (OCRTEH) évalue la prostitution de rue au double de ces contrôles, soit 10 000 à 12 000 personnes. A ces chiffres, il convient d`ajouter quelques 3 000 professionellis qui exercent dans les bars à hôtesses ou les salons de massage. A Paris, la population prostitutionnelle est estimée à 6 ou 7 000 personnes.
Des évolutions à confirmer
D`après cet office central, le nombre des personnes prostituées était alors relativement stable mais connaissait plusieurs évolutions :
Les prostituées étrangères étaient aussi nombreuses que les prostituées françaises, alors que ces dernières représentaient 70 % de cette population peu de temps auparavant. Cette évolution s`explique notamment par l`arrivée massive, depuis la chute du mur de Berlin, de prostituées originaires des pays d`Europe centrale et orientale. Dans une moindre mesure, l`OCRTEH évoque des filières africaines en provenance aussi bien du Maghreb que d`Afrique noire ou des filières latino-américaines essentiellement parisiennes et ``spécialisées`` dans les travestis et une prostitution originaire du Sud-Est asiatique très localisée à Paris (notamment dans le quartier chinois) et surtout destinée à une clientèle elle-même asiatique ;
Une multiplication des réseaux étrangers qui ne reculent devant aucune ruse ou violence pour recruter. Selon EUROPOL, la taille des réseaux est variable même si la tendance générale est celle d`organisations comportant jusqu`à vingt personnes, avec toute une chaîne de ``spécialisation`` et une structure de type mafieux ;
La prostitution masculine est en forte augmentation, elle atteignait même 30 % à Paris et dans les grandes agglomérations. Majoritairement française, elle était alors marquée, comme la prostitution féminine, par des arrivées massives en provenance des pays de l`Est. Plus jeunes et moins dépendants de proxénètes, ces hommes ont souvent un ``protecteur`` ou ``entremetteur`` ;
Une diversification de la prostitution qui délaisserait petit à petit le trottoir au profit de formes de prostitution moins ``visibles``, comme les bars à hôtesses et les salons de ``relaxation`` ou de ``massage`` qui recrutent leurs ``clients`` par petites annonces. De plus, les nouvelles technologies comme Internet seraient devenues un vecteur essentiel de promotion en matière d`exploitation sexuelle. Cette dernière tendance s`est depuis très certainement renforcée suite aux lois sur le racolage votée en mars 2003.
Des budgets faramineux
L`argent de la prostitution est très difficile à évaluer. Cependant, le rapport 2000 se risquait alors à quelques estimations. Selon l`OCRTEH, les rentrées annuelles de la prostitution pourraient se situer, pour la France entre 2 et 3 milliards d`euros, dont 70 % reviendraient aux proxénètes.
Toujours d`après l`OCRTEH, chaque prostituée serait censée rapporter dans ces réseaux entre 300 et 800 euros par jour à son proxénète et environ 50 euros seulement lui seraient laissés pour ses besoins personnels. Un réseau pouvant contrôler une douzaine de femmes, un proxénète pourrait gagner jusqu`à près de 9 000 euros par jour...
L`argent repart la plupart du temps dans les pays d`origine où il permet notamment aux proxénètes des pays de l`Est d`acquérir un statut social. Il sert aussi à entretenir sur place les réseaux nécessaires à l`alimentation des filières.
Depuis mars 2003, la loi prévoit pour un délit de racolage deux mois de prison et 3 750 euros d`amende. La loi prévoit également un système de donnant-donnant : les prostituées livrant l`identité de leur proxénète ne seraient pas poursuivies et pourraient obtenir des papiers (titre de séjour provisoire et permis de travail). Cette technique aurait permis de démanteler plusieurs réseaux.